Hello 👋
J’espère que vous allez bien ! Moi, ça va mieux. Après un détour par les environnements de travail pharmaceutiques dans nos contrées anglophones, me voilà de retour en France, et plus spécifiquement à Toulouse.
Ces derniers mois ont été consacrés à la réflexion de ma suite professionnelle, et je vous annonce que je me lance en tant qu’indépendante ! Mais pour quoi faire me direz-vous ? Je vous en dis plus plus bas.
Ce qui est sûr, c’est que les objets du travail sont et seront au cœur de mes prochains projets. Et quand je dis objets du travail, je pense à tous les éléments physiques qui habitent notre quotidien professionnel, et notamment de ceux qui travaillent dans des conditions que j’aime appeler extrêmes*.
L’un d’entre eux me fascine depuis longtemps, tant extrême qu’objet du travail : la station de recherche scientifique. Environnement mouvant, technique, dont la composition s’adapte à l’enjeu et l’environnement de la recherche, il en existe des plus emblématiques que d’autres, des plus ou moins éphémères. Celle qui a retenue mon attention ces derniers temps, c’est la station scientifique Concordia, en Antarctique. Prêts pour un voyage en terres australes ?
⑇ Un peu d’histoire
Alors… les stations scientifiques, ça existe depuis quand ? Et Concordia alors ? Et ça ressemble à quoi, cet endroit, concrètement ? Je me suis renseignée pour vous, même si évidemment, rien ne remplacerait une immersion en conditions réelles ! Mais ça c’est pour plus tard… Et si vous préférez les histoires à l’Histoire, rendez-vous à la fin pour la fiction — eh oui, je me suis permise d’imaginer le futur de cette station iconique… 👇
🦕 il y a 55 millions d’années · une terre luxuriante qui s’est recouverte de glace
Commençons par le commencement. L’Antarctique, d’abord, mérite qu’on s’attarde un peu sur son histoire. À la différence de l’Arctique, qui est un océan gelé, l’Antarctique est bel et bien un continent, aujourd’hui recouvert de glace. Il appartenait à cette croûte terrestre — le super-continent Gondwana — petit à petit disloquée en nos différents continents contemporains. Une étude scientifique publiée en 2012, fondée sur l’analyse de forages antarctiques dans lesquels des fossiles datant d’il y a 52 millions d’années ont été retrouvés, démontre que l’Antarctique aurait été peuplé de forêts luxuriantes, aux espèces variées (fougères, palmiers), aux hivers aux alentours des 10°C. En dérivant vers le sud, cette terre se retrouve entourée de courants marins froids, et l’Antarctique subit des hivers de plus en plus rigoureux. Le continent se couvre de glace, la végétation disparaît.
Cet endroit aurait-il quelques secrets à nous livrer sur le réchauffement climatique, ou du moins sur l’adaptation d’un climat à un autre ? On y reviendra.
⛵️ 1819 · le dernier continent “un continent pour la Terre, pas pour les hommes”
En attendant, l’Antarctique est le dernier continent à avoir été exploré par les humains. Certes, son existence était imaginée depuis l’Antiquité : Aristote qui imaginait par exemple une terre du sud qui permettait de faire contre-poids aux terres du nord…. Certaines cartes du XVIème siècle représente ce territoire, immense masse au sud, sans pour autant avoir la preuve certaine de son existence. Certains explorateurs, dans leurs traversées, avaient soupçonnées l’existence d’une terre plus au sud, apercevant ses reliefs au loin, sans pour autant jamais (réussir à) s’y aventurer ❄️.
James Cook, explorateur anglais, est mandaté par la Royal Society en 1769 afin d’identifier l’existence ou non de l’Antarctique. Il franchit le cercle polaire arctique, foule les îles Sandwich, mais impossible d’atteindre l’Antarctique. Il conclut que ce dernier… n’existe pas. Cela dit, jamais personne avant lui n’était revenu vivant en allant aussi loin.
C’est donc en 1819 que le continent est officiellement découvert. Une série de navigateurs assurent voir le continent, à quelques semaines ou mois d’intervalles — une véritable conquête du pôle s’instaure alors, entre la Russie, les Etats-Unis, l’Angleterre, la France, l’Allemagne, la Norvège, donnant une énième occasion aux grandes puissances de ce monde d’exprimer “force et virilité au plus grand nombre” 🙄. Qui sera le premier à l’atteindre ? Qui sera le premier à atteindre le pôle ? Qui s’y installera en premier ? Qui le traversera en premier (à pieds, à moto-neige, en avion, en solitaire…) ?
🔬 1903 · les premières stations scientifiques
Pendant que certains explorent et repoussent les limites géographiques (et humaines), d’autres vont commencer à exploiter le potentiel scientifique de ces terres. Une première cabane est construite en 1898, puis la première station météorologique, Omond House, est installée par les Ecossais. Elle sera la première habitation permanente du continent. Et vous allez voir que cette simple hutte, recouverte d’une bâche pour résister aux intempéries et à la neige, entourée de pierres, et à l’unique fenêtre, est bien loin des projets de certains pays pour leur station scientifique dans les années à venir. Mais pourquoi une station météorologique à cet endroit ? En fait, l’Antarctique, peu fréquentée par toute forme de vivant, est un peu comme une archive climatique de la planète. La glace retient en son sein des micro-bulles d’atmosphère, qui sont autant de témoins, de traces du climat des années passées.
🔬 1959 · un continent pour la Science
Les conditions climatiques, malgré ces efforts de conquête, ont rendu une installation humaine permanente quasi impossible : pour preuve les espèces endémiques largement observées par la science qui habitent uniquement les espaces côtiers du territoire, le reste étant exempt de toute faune et de toute flore, les températures rendant impossible le développement de n’importe quel écosystème. Antarctique signifie d’ailleurs “sans ours”, à l’inverse de l’Arctique (du grec arkos : ours). Pour autant, certains pays ont pendant plusieurs années revendiqué la souveraineté de certains territoires… Cette négociation s’est finalement soldée par le Traité de l’Antarctique, signée en 1959, qui stipule que :
Art.1 Seules les activités pacifiques sont autorisées dans l'Antarctique.
Art. 3 Les observations et les résultats scientifiques de l’Antarctique seront échangés et rendus librement disponibles.
Art. 4 Aucun acte ou activité intervenant pendant la durée du présent Traité ne constituera une base permettant de faire valoir, de soutenir ou de contester une revendication de souveraineté territoriale dans l'Antarctique, ni ne créera des droits de souveraineté dans cette région
En gros, ce continent, c’est un territoire pacifique, de collaboration scientifique, qui appartient à tous, et qui n’appartient à personne à la fois. Je vous avoue trouver assez fou, et beau à la fois, que cela ait été possible, et que les principes soient encore à l’oeuvre aujourd’hui — quand on voit ce que certains pays sont capables de mettre en œuvre en 2023 pour (re)conquérir des territoires.
Depuis, la présence humaine est autorisée (presque*) uniquement dans le cadre de missions scientifiques, dont les équipes, les hivernants, alternent et se renouvellent au fil des saisons.
Ce concentrée de spécificités en fait un territoire mythique et très convoité pour ses terres vierges, et ses ressources naturelles. Intéressant pour la science, mais pas que !
⛵️ 1991 · protocole de Madrid
C’est probablement pour cela que le protocole de Madrid est signé en 1991, qui lui vient préciser comment préserver la réserve naturelle que représente ce territoire, en régulant les activités humaines qui y ont lieu. Toute exploitation de ses ressources, notamment minérales, y est absolument interdite. L’Antarctique y est désigné comme un territoire “consacré à la paix et à la science”, où un contrôle strict de l’impact environnemental des activités menées est conduit.
Concrètement, les stations scientifiques présentes sur le territoire représentent les différents pays signataires du Traité. Chaque pays y exerce ses recherches au moyen de stations scientifiques permanentes ou provisoires, réparties aux quatre coins du continent. Près de 97 bases scientifiques se sont installées sur le territoire, dont 78 encore en activité aujourd’hui. 44 sont ouvertes toutes l’année (carte).
⛵️ 1997 · la construction de la station Concordia
C’est dans ce contexte géopolitique que la station Concordia naît, d’une idée française de 1982. Son emplacement n’est pas choisi au hasard : les scientifiques français et italiens s’allient pour conquérir le dôme C, un dôme de glace culminant à 3233 mètres.
Ce lieu faisait déjà l’objet de prélèvements glaciers depuis les années 1970 : il recèle des glaces très anciennes, approchant le million d’année — une mine d’or pour comprendre les cycles climatiques auxquels la planète a été soumise, et ainsi reconstituer l’histoire climatique du globe au cours des 800 000 dernières années. À ce jour, un carottage de près de 3200 mètres de profondeur a permis de reconstituer cette histoire, mais aussi de mieux comprendre les phénomènes climatiques d’aujourd’hui — ce continent agit à ce jour comme un régulateur thermique pour l’ensemble de la planète.
Au-delà des activités de glaciologie, cet endroit est connu pour l’astronomie — des images très précises du ciel y sont collectées, du fait d’une atmosphère très pure (stable, sèche, transparente, non-polluée). Et avec une nuit polaire qui s’étend sur 6 mois, c’est pratique pour observer les étoiles en continu…
Ce site isolé (la côte la plus proche est à près de 1100km) et pour le moins hostile (il y fait en moyenne -51,7°C 🥶, avec comme record de chaleur — tenez-vous bien — -5,4°C) en fait aussi un terrain de test idéal pour les stations spatiales.
Les matériaux de construction de la base ont été acheminés par ce qui a été appelé des “raids” (encore en fonctionnement aujourd’hui pour ravitailler la station), sorte de convoi de véhicules à chenilles, 160 tonnes de matériel qui traversent le continent blanc depuis la base française Dumont-d’Urville, située à plus de 1000 km de là. Cette station est elle-même acheminée par bateaux capables de naviguer dans un océan de glaces, répondant aux doux noms d’Astrolabe ou Marion-Dufresne. Ils viennent de la Nouvelle-Zélande ou de la Tasmanie. Cette chaîne logistique est une exception française, un véritable défi technologique en soi !
👩🚀 2005 · les premiers hivernants
Cette infrastructure hors du commun (presque unique en son genre, seules 3 stations sont en fonctionnement permanent en Antarctique), qui a été prête à accueillir ses premiers hivernants en 2005 (personnes qui restent 4 mois en autarcie complète pour mener en continu les opérations scientifiques sur place), est rapidement devenue un exemple de la multidisciplinarité scientifique : l’histoire climatique, les origines de l’Univers, la biomédecine, les environnements extrêmes. Une véritable passerelle entre notre planète Terre et le reste de l’Univers.
Les hivernants donc, se relaient chaque année pour mener à bien ces opérations scientifiques. Deux rôles se distinguent : les petites mains des scientifiques, qui viennent collecter, analyser, archiver in-situ et communiquer aux différents centres de recherche affiliés ; les mainteneurs chargés du bon fonctionnement de la base, du soudeur au cuisinier. Certains peuvent rester jusqu’à 9 mois en isolement total. Pendant cette période de l’année; il y fait trop froid pour que n’importe quelle machine à moteur puisse fonctionner — aucun avion, aucune moto-neige ou véhicule doté de chenilles ne peut s’y rendre ou en partir. En effet, à partir de -45°C, le carburant revient à un état semi-solide. “Il est plus facile d’être évacué d’une station spatiale” témoigne le Dr. Nadja Albersten, qui a passé un an sur la station Concordia pour étudier les impacts physiologiques et psychologiques d’un tel isolement, en plus d’être l’un des deux médecins impérativement nécessaire sur la base.
De part cet isolement, la station est organisée comme une mini-ville, pour accueillir dans les meilleures conditions ce petit équipage, 16 personnes au plus, où se cotoient souvent près de dix nationalités différentes. Deux bâtiments principaux, de forme cylindrique, surnommés la Tour Bruyante, et la Tour Calme, abritent une surface de 1500m2, qui accueillent un hôpital, une centrale énergétique, un système de recyclage des eaux usées, un “supermarché”, une salle de sport, un cinéma, un restaurant, une cuisine, des laboratoires scientifiques, une salle de jeux, un atelier, et les chambres et sanitaires. A l’extérieur de ces tours, comme de petits satellites, se retrouvent les différents laboratoires scientifiques, ainsi que des zones de stockage des prélèvements glaciers construites sous la neige.
L’aménagement intérieur est sommaire et fonctionnel. Les ouvertures sont petites, du fait des températures extrêmes, et ouvrent sur un horizon blanc infini. Pas une âme qui vive à l’extérieur. Les photos me font penser à un grand gîte qui n’aurait pas été rénové depuis les années 1990 — voyez l’ambiance. L’agence spatiale européenne (ESA) étudie depuis dix ans les impacts physiques et psychologiques de cet isolement prolongé en conditions extrêmes.
🙄 2023 · les conditions de travail
Et les résultats sont incontestables. Malgré des conditions de recrutement drastique —tant sur les compétences, bien entendu, que sur la condition de santé de la personne recrutée, et sa capacité de vie en communauté restreinte et isolée — personne n’échappe à un épisode dépressif durant son séjour. L’impact sur le sommeil (insomnies, apnée du sommeil, sommeil léger) est reporté sur presque 100% des individus. L’appétit est impacté, certains hivernants perdent entre 3 et 5kg durant leur séjour. Malgré des protocoles de sécurité et une capacité de prise en charge rapide, certains n’échappent pas aux engelures, avec une perte de sensibilité le temps du séjour ou de façon permanente. L’évacuation y est impossible pendant plusieurs mois de l’année, et cet enfermement a lui aussi des impacts psychologiques importants. L’altitude provoque des difficultés à respirer, mais aussi maux de tête et nausées, pour quelques semaines, ou sur l’ensemble du séjour pour les moins chanceux.
Pour autant, les prélèvements scientifiques doivent être menés à bien, les investissements pour être cette personne à cet endroit sont tels que personne ne peut échapper à sa tâche. Or, si les techniciens sont eux bien rémunérés, et pour certains habitués à l’environnement car pas à leur coup d’essai sur le territoire, les scientifiques présents le sont souvent de façon unique et exceptionnelle le temps d’un hivernage. La plupart sont en service civique, avec la rémunération correspondante (un peu plus de 1000€ net), et le retour en France peut être difficile — pas de chômage au retour.
Que peut-on faire pour améliorer les conditions d’accueil de ces rêveurs d’aventures, futurs militants pour la planète après ce voyage qui transformera leur rapport à la nature à jamais, mais qui se lancent la poudre aux yeux pour vivre une expérience hors normes certes, mais à quel prix ?
🚀 2026 · des stations aux allures cosmiques, une école en Antarctique ?
D’autres pays adoptent une stratégie différente, utilisant leur station scientifique comme un étendard de leur puissance — économique, géopolitique, scientifique… Les stations scientifiques, historiquement imaginées par des ingénieurs pour répondre aux contraintes climatiques du territoire, deviennent aujourd’hui un objet d’extravagances architecturales.
La Fondation Polaire Internationale a pour projet d’installer une université, qui répondra au doux nom d’Andromeda, pour former les scientifiques et doctorants du monde entier aux enjeux de préservation de l’Antarctique pour maintenir l’équilibre climatique (ou ce qu’il en reste) de notre planète. Les images de synthèse de ce projet donnent à voir un bâtiment largement inspiré du siège d’Apple…
Les Etats-Unis souhaitent quant à eux proposer de quoi accueillir de véritables cycles de conférences, à destination de la communauté scientifique évidemment. L’université devrait avoir en son sein un auditorium de près de 150 places… On est loin des 16 places très convoitées de la station Concordia.
D’autres stations ont des airs encore plus futuristes, ou des allures d’hôtels chics, comme la dernière base brésilienne. Alors j’aurais du mal à vous dire que je suis complètement contre l’idée d’accueillir les scientifiques dans des meilleures conditions — évidemment. Des espaces plus lumineux rendus possibles grâce au déploiement de certaines technologies pour des ouvrants plus grands en milieux extrêmes, l’usage de formes ovoïdes comme structures thermiques plus efficientes, des espaces de vie bien pensés. Mais sur les images de synthèses communiquées, on se concentre sur la vue d’avion, celle qu’a priori les hivernants n’auront pas au quotidien. Quid de cet hôpital ? de ces chambres ? de cette salle de jeu ou cette bibliothèque commune ? Comment passer d’une image de synthèse lisse à la création d’un espace convivial et veritablement hospitalier quand il fait -50°C dehors et nuit depuis plusieurs semaines ?
Jusqu’où iront-nous, et surtout dans quel but ? Car j’ai plus l’impression que ces projets ont vocation à montrer une puissance géopolitique, des symboles de prestige international à l’instar des missions spatiales, plus qu’à véritablement se préoccuper des conditions de travail des professionnels qui s’investissent en ces lieux.
Car l’Antarctique, bien qu’encore protégée par les différents traités évoqués plus hauts, et subsistant comme le dernier écosystème marin presque intact de la planète, regorge potentiellement de charbon, pétrole et gaz naturel. Des velléités d’exploitation commerciale ont déjà été manifestées, et des projets d’installation de bases par la Chine par exemple, sur près de cinq endroits du territoire, ne peuvent laisser personne indifférent.
Ah, et aussi, il parait que la pollution émise par l’activité scientifique à l’oeuvre sur le territoire serait comparable aux émissions des ports les plus actifs de notre planète. Alors, on s’arrête quand d’abîmer tout ça sous couvert de “la science” ?
⑈ Et demain ?
Voici venu le temps de la projection, de la fiction,
de l’histoire d’un futur imaginé pour cet objet.
Peut-on faire fonctionnel, et agréable sans extravagances, sans ostentation, sans impact irréversible sur notre écosystème ? Pas si facile…
En 2018, la France s’installe à contre-courant des projets d’envergure et de démonstration diplomatique des autres puissances mondiales. Par manque de moyens, et d’ambitions, aurait-on pu croire. Par sobriété énergétique aussi. Après la réhabilitation de la station côtière Dumont-D’Urville en bâtiment pont, dont les travaux menés en auto-rénovation ont abouti en 2050, et dont la principale ambition était de minimiser l’emprunte artificielle sur ce territoire abritant une faune exceptionnelle, le paysage en Antarctique et sur la planète s’est radicalement transformé. La fonte des glaces du continent polaire est réelle et trois fois plus rapide que les prévisions, entraînant, avec la fonte des autres glaces planétaires, une hausse du niveau des océans et la disparition sous les eaux de millions de kilomètres carrés de territoires sur la planète.
Un exode planétaire a dû s’organiser, et ce sont les bateaux et autres éléments flottants ou sous-marins qui sont devenus terres d’accueil. Cela faisait quelques décennies que la recherche s’était organisée autour de stations scientifiques mobiles – inspirés par les pionniers des années 2020 : le raid d’abord, station mobile terrestre inspiré par son jumeau logistique, ainsi que d’autres stations qui parcourent les océans, la goélette Tara, l’Astrolabe, ou encore le satellite marin Polar Pod. Les recherches cumulées sur l’environnement marin, mais aussi sur les impacts psychologiques et physiologiques des habitats extrêmes ont conduit à la construction d’habitations flottantes fonctionnant sur les principes suivants :
Chaque “satellite marin” est chargé de son fonctionnement mais aussi de relever les données de son environnement direct. Ce faisceau de releveurs permet ainsi d’anticiper les prochains phénomènes naturels, mais aussi de mesurer l’impact de l’infrastructure habitée sur son environnement direct. Le satellite devient un micro-système fermé, reposant sur les ressources directement disponibles et renouvelées a l’intérieur de celle-ci, ou bien sur les ressources accessibles à proximité, tant que les techniques d’acquisition de ces ressources restent non-invasives pour l’écosystème marin. A l’instar d’un équipage, chaque habitant joue un rôle bien précis, de la collecte de données à la maintenance, en passant par la pêche et les récoltes aquaponiques, la cuisine, le ménage et les soins apportés.
Si de l’extérieur ces structures privilégient un aspect caméléon aux facades en miroir, non envahissant pour le paysage, à l’intérieur, le confort est de mise malgré les espaces contraints. L’Agence Internationale des Habitats Extrêmes a mis à disposition des décennies de recherche sur les environnements extrêmes pour répondre à la question suivante : quelles sont les conditions d’habitabilité et de confort minimales ? Qu’est-ce qui fait qu’on “est bien” là où l’on vit ? Des mobiliers sur-mesure, ultra-légers, ultra-durables, réparables à l’envie, pour l’ensemble des aménagements intérieurs des satellites, ont été construits à partir de la ressource disponible suite à l’envahissement par les eaux : le bois flotté. Une attention particulière a aussi été accordée au travail des lumières. La lumière naturelle d’abord, est travaillée par réfraction des rayons lumineux du soleil dans l’eau. La lumière artificielle est quant à elle devenue un luxe, une mesure d’urgence. Les humains ont retrouvé leurs cycles de sommeil naturels. Les ouvrants ont été imaginés comme des fenêtres sur des paysages. Le satellite est tiré par ses voiles, et profite de chaque rayon de soleil et des courants marins pour produire l’énergie dont la station a besoin. Les espaces techniques et les espaces de travail pour la recherche, s’ils sont essentiels au bon fonctionnement de la station, sont escamotés lorsqu’inutilisés. Tour à tour cachés ou ouverts, dans des rangement en bois imaginés et aménagés au fil des usages, ils donnent aux lieux lorsque tout est replié une douce et chaleureuse atmosphère. Les espaces ainsi dessinés invitent à un maintien d’une organisation méthodique nécessaire en collectivité. Le chauffage est lui aussi source de convivialité : un poêle de masse est disposé dans les espaces clés, dont la faible consommation en bois des mers en fait un allié clé en toutes saisons. Les espaces de vie flottent dorénavant sous la surface de l’eau, où la température ne descend fatalement pas sous les 0°C.
⑉ Pour aller plus loin
Une sélection des belles trouvailles glanées au fil de mes recherches et de mes lectures.
Pour une immersion magnifique et totale en images, et un voyage en Antarctique (et notamment sur le raid) depuis son canapé, La lune est blanche, d’Emmanuel et François Lepage. Cette bande-dessinée est juste magique. Merci François pour la recommandation.
Un cadre qui fait a priori rêver certains… mais à quel prix ? Les conditions de travail dégradées, et les contrats précaires, ça existe aussi en Antarctique. Un article du Monde décrypte.
Envie d’aller travailler en Antarctique ? L’Institut polaire français Paul-Émile-Victor organise un job-dating le 19 octobre, pour recruter les hivernants pour l’été austral 2024.
Et pour en prendre plein les yeux, il faut croire que les architectes peuvent s’en donner à cœur joie sur ce territoire vierge.
Je vous recommande cette série d’articles de Didier Schmitt (ESA), qui couvre les champs de la recherche scientifique aux enjeux politique de façon synthétique et poétique.
Pour visiter la station Concordia, et la station Halley IV. Et comprendre les choix de conception de la future station Dumont-D’Urville.
Pour voir à quoi ressemblera la planète avec la montée des eaux.
Et sur les habitats utopiques d’urgence, voyez ces belles architectures de Jean-Paul Juggman.
Pour un modèle de société qui fonctionne avec l’énergie du vent, je vous recommande vivement la lecture de La horde du contrevent, magnifique utopie de nos efforts de conquêtes, d’Alain Damasio.
Une réflexion sur la maison comme troisième peau de notre intimité.
Andrea Branzi, designer penseur utopiste est mort, j’espère que ses idées continueront d’inspirer les générations futures : car il va falloir être assez fou pour créer dans le monde qui arrive. Ses idées me parlent "Les objets qui sont dans la maison ne sont jamais des instruments complètement fonctionnels, mais doivent plutôt être compris comme des présences amicales." J’aimerais qu’il en soit de même pour les objets de nos environnements de travail.
La maison une troisième peau c’est joli...et la terre notre cosse à tous ? Bande de petits pois, tu as raison il va falloir être fou pour créer dans cette planète qui se transforme.
Merci pour ce voyage avec les scientifiques gelés 🥶 !